Situé au cœur de l’Afrique, le Cameroun est un pays qui regorge de richesses culturelle, géographique et linguistique. Le multilinguisme du Cameroun est l’une de ses caractéristiques phares. En effet, en plus de ses deux langues officielles, qui sont le français et l’anglais, on y parle plus de 248 langues. Celles-ci appartiennent à trois des quatre grands groupes de familles de langues en Afrique notamment la famille des langues nigéro-congolaise, la famille des langues afro-asiatique et la famille des langues nilo-saharienne. Ce qui lui vaut l’appellation « Afrique en miniature”. »
Origine du bassa
Selon certaines traditions, le peuple Bassa serait originaire de l’Égypte antique ou de l’ancienne Nubie et aurait migré vers le Cameroun et l’Afrique de l’Ouest. En raison de ces divers mouvements migratoires, l’on recense la présence de ce peuple en République Démocratique du Congo, au Niger, au Sénégal, en Sierra-Léone, au Libéria, au Benin et au Togo.
La langue Bassa est une langue bantoue qui appartient à la grande famille des langues Nigéro-congolaises qui est le plus grand groupe de langues en Afrique et dans la monde avec plus de 1500 langues. Fait intéressant, les différents peuples Bassa ne se comprennent pas forcément en raison de nombreuses et constantes expositions à différentes cultures. Le Bassa au Cameroun est une langue minoritaire, parlées dans 4 régions sur les 10 régions du Cameroun, en l’occurrence le Littoral, le Centre, le Sud, et le Sud Ouest. Elle sert de Linguae Franca dans les zones dans lesquelles elle est parlée. C’est une langue vernaculaire qui n’a pas de statut de langue officielle.
Les locuteurs de la langue Bassa au Cameroun sont estimés à environ 400000. La langue est transcrite au moyen de l’alphabet latin et comme la plupart des langues africaines exposées à d’autres cultures, le bassa fait recours a des emprunts du français et de l’anglais.
Subjugué à outrance ou en voie de disparition?
Certaines langues africaines perdent de leur ampleur en raison de certains facteurs d’étiolement que sont les politiques coloniales, l’absence de programmes dans les langues maternelles, le complexe d’infériorité qu’éprouvent les locuteurs des langues natifs face aux locuteurs des langues européennes, et surtout l’abandon en famille des langues africaines par les locuteurs natifs, etc. «Ce qui tue le plus les langues, c’est l’absence de transmission intergénérationnelle» affirme Eve Yebga, traductrice et locutrice de la langue Bassa. Tout comme la majorité des langues africaines, l’usage du Bassa au sein des familles reste l’un des modes de transmission par excellence de cette langue. En dépit de la création d’applications, de l’existence de documents pour l’apprentissage, la transmission du Bassa se fera plus rapidement et efficacement si les parents locuteurs de cette langue la parlent régulièrement à leurs enfants.
Malheureusement, la transmission intergénérationnelle perd de son influence dans la culture Bassa tout comme dans de nombreuses autres cultures africaines. Très peu de parents échangent avec leurs enfants dans leur langue maternelle de nos jours. Les langues de communication de choix dans la plupart des ménages sont, désormais, les langues officielles, en l’occurrence, français, anglais. Or, quand les enfants adoptent une autre langue que leur langue maternelle, il la rendent d’emblée supérieure et par conséquent leur langue maternelle dévient minoritaire. Même les zones rurales, qui étaient reconnues pour l’usage fréquent des langues locales, abandonnent cette valeur au profit des langues officielles. Ce phénomène s’applique à de nombreuses langues et cultures à travers l’Afrique. Ce qui soulève la question de la survie du Bassa et par ricochet des langues africaines.
Comment assurer la survie du Bassa?
Avec plus de 248 parlées au Cameroun, assurer la survie de chacune de ses langues peut s’avérer être un véritable parcours du combattant. Il va sans dire que la coexistence de ces langues donne lieu à de nombreux emprunts. Bien que l’emprunt des langues officielles aide à la relexification du bassa, particulièrement quand ces mots sont adaptés et enrichis, certains emprunts par contre dégradent la langue. Comment assurer le maintien en vie du bassa tout en s’assurant de maintenir sa richesse? Plusieurs facteurs peuvent contribuer au maintien en vie de la langue bassa. Le tout premier point concerne la révalorisation de la transmission intergénérationnelle. Les parents devraient être en mesure d’échanger avec leurs enfants dans leur langue maternelle qui doit dorénavant être perçue comme une richesse plutôt qu’un signe de manque de civilisation.
La religion peut aussi jouer un rôle crucial. De par le passé, la majorité des recherches et des écrits en langues africaines furent réalisés et publiés par des religieux qui avaient pour objectif premier de convertir les peuples autochtones. Dans le cas du Bassa, les premiers écrits furent en grande partie grâce aux concours des missionnaires allemands et américains. N’étant pas des natifs de la langue, certaines idées n’étaient pas nécessairement bien rendues ou fidèles aux concepts véhiculés. Il faudrait donc encourager les recherches, la création des termes et publier davantage de documents écrits par les natifs de la langue pour assurer sa pérennisation.
Les prestataires de services linguistiques peuvent aider à enrichir la langue tout en maintenant son originalité. Étant en contact permanent avec la langue, et étant confrontés aux problèmes inhérents de la traduction des langues de grande diffusion vers les langues minoritaires, les prestataires de services linguistiques ont la lourde responsabilité d’assurer un équilibre terminologique entre ces langues. Ce faisant, les langues comme le Bassa pourraient être enrichies, enregistrer davantage de locuteurs et se maintenir en vie.